Le retour bouleversant de vacances à Djerba de notre collègue et amie Géraldine.

Je sais que ces photos, la majorité d’entre vous ne veulent pas les voir. Que ces histoires, personnes ne veut les entendre…
Mais je sais aussi que si l’on n’en parle pas, rien ne changera.

Après 3 jours de lutte acharnée pour essayer de combattre la myiase et les vers de mouches qui rongeaient les bébés. Malgré les soins quotidiens, les antibiotiques (merci à la dame belge dont je ne connais pas le nom qui a été les acheter), les heures passées à biberonner, nettoyer dans des conditions d’hygiène inexistantes.
Malgré l’amour, le désespoir….

Deux portées mélangées par manque de connaissances, des mamans qui ont déserté.
Même sevrés bien trop tôt, les plus grands survivront, les plus faibles, les plus fragiles sont partis.
Mais que l’on ne me parle surtout pas de sélection naturelle, car la nature, aussi belle soit-elle ne palliera jamais l’inconséquence et la lâcheté de l’homme.
Bien sûr qu’ils n’auraient jamais dû être là !
Bien sûr que la seule réponse à la surpopulation, c’est la stérilisation.
Mais ILS étaient là…
ILS sont là ! Innocentes victimes, promises à une mort certaine à plus ou moins brève échéance.

Ce cri est pour toi Neige, morte rongée dans l’indifférence générale.
La seule chose que j’ai pu te donner c’est un nom, une sépulture pour y enfermer la misère de tes 15 petits jours de vie, et un morceau de mon cœur. Tes vagissements de douleur me hantent, ton visage aux yeux à peine ouverts me poursuit.
Pour toi aussi Mochi que j’ai du endormir à coup de somnifères pour ne pas te laisser derrière moi, en sachant que tu étais perdu mais que l’agonie pourrait prendre encore quelques jours, alors que je devais partir.
Je plaide coupable de n’avoir pas trouvé le courage de vous faire euthanasier quand il était encore temps. Mais tant que votre mère pourvoyait à vos besoins, il n’y avait aucune raison de me substituer à elle ni de m’octroyer le droit de disposer de votre vie.
Coupable d’avoir cru par naïveté ou par orgueil que je pourrais y arriver…

Ce cri est pour vous qui dans un autre pays, d’autres conditions, avec d’avantage de temps et de moyens auriez peut-être pu être sauvés.
Parce que le plaisir et la légèreté des vacances ont laissé place à la colère et l’amertume:

J’accuse les autorités tunisiennes d’être indifférentes au sort et a la souffrance de ces chiens. De ne pas soutenir même modestement les quelques personnes qui essaient quotidiennement de leur venir en aide. Les deux refuges présents sur l’île (dont personne ou presque ne connaît l’existence sur place) ne bénéficient d’aucunes subventions, tout comme les quelques particuliers qui recueillent, nourrissent, stérilisent à leur frais, avec leurs maigres moyens.
Je connais la situation économique du pays, je sais que là-bas, le sort d’un chien vaut moins que la vie d’un homme, et je peux le comprendre.
Que la plupart des tunisiens vivent misérablement et sans perspectives. Tributaires d’un tourisme fluctuant et souffrant d’un climat politique instable.
Néanmoins, il existe des solutions: organiser des campagnes de stérilisation, légiférer pour les droits des animaux, rendre accessible à moindres frais la vaccination pour les propriétaires d’animaux…
Nombre de personnes concernées par la cause animale se détournent de cette destination mais je suis convaincue que le tourisme y gagnerait si le gouvernement se positionnait et affirmait sa volonté d’améliorer les choses.

J’accuse la police d’organiser régulièrement des exterminations de masse pour “réguler” de façon barbare et définitive la prolifération animale.
Au vu et au su de tous, sans contrôle en laissant les cadavres mort ou agonisant sur place. Des “nettoyages” systématiques et sans distinction.

J’accuse l’ignorance et la bêtise qui veulent que les animaux soient considérés comme des êtres inférieurs en général et les chiens en particulier comme des êtres sales et dangereux par la majorité des arabes.
Éduquez vos enfants, transmettez leur des valeurs, le respect de la vie, de toutes les vies…
J’ai eu de nombreux amants, je les ai tous bien aimés.
J’ai eu des enfants, beaucoup, je les aime du plus profond de ma chair.
Mais c’est le jour où j’ai eu un chien que j’ai compris ce que voulait réellement dire: “recevoir de l’amour”
Un amour inconditionnel, une fidélité à l’épreuve du temps et des difficultés. Une constance, de la tendresse…
C’est chez les chiens que j’ai rencontré la plus grande part d’humanité.

J’accuse la majorité des vétérinaires environnants d’avoir embrassé la carrière par profit plus que par vocation, et de refuser leur aide aux chiens errants et sauvages par peur de la rage ou des morsures.
Contrairement à certains hommes, le chien ne mord pas la main qui le nourrit, ni celle qui se tend avec douceur pour porter assistance. À moins qu’il ait été tellement violenté qu’il ne soit plus capable de les différencier…

J’accuse les ordures, lâches et cruels qui empoisonnent chiens et chats comme de la mauvaise herbes. Les voisins mécontents, indisposés par les aboiements, effrayés par les maladies ou tout simplement bêtes et méchants.
Souvent les mêmes qui prétendent “aimer les animaux” et qui les enchaînent haut et court sans soins et sans nourriture pour “garder” leur maison. Que ceux-ci soient punis, amendés.

Enfin, j’accuse ceux qui ne veulent rien voir, par confort ou par indifférence d’être complices à leur insu…

Mais je terminerai par ceci:
Le positif, parce que c’est que je veux, ce que je dois garder pour continuer…
Des gens bien, concernés, il y en a !
Comme Samir, le responsable de la plage, qui sous ses airs bourrus s’est montré touché par mon combat singulier et s’est engagé, assisté de Mehdi a continuer de prendre soin des survivants après mon départ.
Comme Tarek et Samantha.
Comme les frères Mohamed et Mossef qui travaillent sur la plage avec leurs chevaux, accompagné de leur chien et qui n’ont pas hésité à castrer un de leur étalon pour pouvoir le garder.
Ou encore comme ce vieil homme qui ne parlait pas français et qui plusieurs fois par jour m’assistait pour les soins, ramassait les compresses souillées d’eosine et de vers, remplissait les biberons…
C’est son sourire édenté, l’étincelle de gratitude, de reconnaissance que j’ai vu dans ses yeux et sa douceur que je conserverai dans un petit coin de mon cœur.
MERCI à eux…

Texte écrit par Géraldine

Texte également sur sa page FB

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